Rétrospective Kinuyo Tanaka

Rétrospective Kinuyo Tanaka

De mai à juillet, l’intégrale des films réalisés par la cinéaste japonaise Kinuyo Tanaka est programmée à la Cinémathèque suisse. Ces copies restaurées sont également accompagnées d’une sélection de longs métrages qui l’ont rendue célèbre en tant que comédienne, que ce soit devant la caméra de Yasujirō Ozu, Kenji Mizoguchi, Mikio Naruse ou Keisuke Kinoshita.

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La mère du cinéma japonais

Gloire à Kinuyo Tanaka (1909–1977) de nous avoir fait aimer le cinéma japonais. Au début des années 1950, quand les premières œuvres des grands studios de Tokyo nous parvinrent enfin, deux titres dont Kinuyo Tanaka était la vedette firent sensation en Occident: La Mère de Mikio Naruse (1952) et La Vie d’Oharu, femme galante de Kenji Mizoguchi (1952). Soudain, c’est toute une cinématographie lointaine qui s’offrait à nous, et Tanaka en était le visage. Les prix remportés au même moment à Venise par Les Contes de la lune vague après la pluie (1953) et L’Intendant Sansho (1954), tous deux de Mizoguchi, laissèrent entendre au public qu’elle ne jouait que dans des chefs-d’œuvre.Contemporaine de Greta Garbo et de Marlene Dietrich, Kinuyo Tanaka fut, comme elles, une star du muet. L’arrivée du parlant accéléra sa popularité, et c’est grâce à son rôle d’infirmière qui se rêve en chanteuse dans Aizen Katsura, l’arbre de l’amour de Hiromasa Nomura (1938) qu’elle devint la reine du box-office. Mais c’est avec Kenji Mizoguchi qu’elle bâtit une des œuvres les plus impressionnantes du cinéma japonais, constituée d'une quinzaine de mélodrames inoubliables. Ainsi, le célèbre cinéaste contribua à installer l’image de Tanaka en femme éternellement victime de la bassesse des hommes. Pour le public, l’affaire était entendue: un film avec Kinuyo Tanaka c’était l’assurance de pleurer devant tous les mauvais coups qu’allait lui jouer un système patriarcal cruel et injuste.Son parcours d’actrice permet de croiser la plupart des cinéastes de son pays, de Hiroshi Shimizu (dont elle fut brièvement l’épouse) à Akira Kurosawa, en passant par Yasujirō Ozu ou Kon Ichikawa. Elle ne cessa jamais de travailler, tournant jusqu’à dix films par an.Eternelle héroïne tragique devant la caméra de tous les grands metteurs en scène de son temps, Kinuyo Tanaka changea la donne lorsqu’elle se décida, en 1953, à devenir elle-même cinéaste. La nouvelle fit grand bruit, car après-guerre le cinéma japonais ne comptait aucune femme réalisatrice. Une partie de l’industrie s’employa à la décourager, et Mizoguchi en personne décrocha son téléphone pour déplorer publiquement la décision de son actrice fétiche. Mais Tanaka était du genre tenace, et Lettre d’amour, sur un scénario du cinéaste Keisuke Kinoshita, fut bel et bien dirigé par la star. Aucune major ne voulait de Tanaka cinéaste, aussi fit-elle ses trois premiers films pour des studios d’envergure modeste, sans doute étonnés qu’une vedette de cet acabit vienne travailler chez eux.Mais son statut de star sembla étouffer la postérité de son travail de cinéaste. Découvrir aujourd’hui ses six longs métrages constitue donc un véritable événement. Outre le plaisir d’y croiser toutes les grandes vedettes de l’âge d’or du cinéma japonais, les films dirigés par Tanaka sont l’occasion de voir des personnages féminins qui ne ploient jamais, contrairement à ceux qu’elle interpréta. Les héroïnes que la réalisatrice propose se tiennent debout dans l’adversité et la filmographie de Tanaka cinéaste nous offre autant de portraits de femmes que rien ne semble atteindre. En passant derrière la caméra, Kinuyo Tanaka tint sa revanche.

Pascal-Alex Vincent, auteur de Kinuyo Tanaka: Réalisatrice de l'âge d'or du cinéma japonais (éditions Carlotta, 2021)

Kinuyo Tanaka, réalisatrice

La restauration récente des films réalisés par Kinuyo Tanaka permet de redécouvrir une cinéaste trop longtemps oubliée. C’est en 1953 que cette actrice ayant débuté sa carrière au début des années 1920 prend la décision de réaliser ses propres films. Bien que la nouvelle ne soit pas accueillie avec enthousiasme par le milieu du cinéma nippon, majoritairement masculin, Tanaka persévère et parvient à diriger avec succès six longs métrages, centrés sur des figures de femmes libres et témoignant de l’émergence d’une voix singulière dans l’histoire du cinéma.

Kinuyo Tanaka, actrice

Avant de passer derrière la caméra, Kinuyo Tanaka s’est fait connaître en tant qu’actrice, en incarnant certains des plus grands rôles féminins du cinéma nippon. C’est devant l’objectif de maîtres de l’image et du récit comme Kenji Mizoguchi, Yasujirō Ozu ou Mikio Naruse qu’elle fait ses premiers pas; elle continue ensuite de tourner avec eux, une fois sa carrière de réalisatrice lancée. Son expérience de jeu dans plus de 200 films est également tangible dans son œuvre de cinéaste, qui se démarque notamment par la justesse de sa direction d’acteurs.

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